A tire d’ailes , quand 3 papillons font s’exprimer le  » silencieux » .

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Un jour, un ami turc nous conta une histoire: Assis près d’un feu de camp , lors d’un séjour dans ses chères montagnes, il se met à contempler les flammes t part dans un temps de rêverie et de questionnement ‘intérieur ». Ce qui le sort de sa torpeur est le bruissement d’ailes, ce léger bruit de frémissement dans l’air . Il voit un papillon voleter autour du foyer de pierres où sont posées les buches de bois enflammées. Le paillon se pose sur l’une des pierres, déploie ses ailes somptueuses et s’envole vers les prés. Mon ami se dit alors : « je sais ». Mais un autre papillon s’approche de lui , volète autour de lui. Il se met à tourner autour des flammes et va se poser sur les cendres . Il y reste un petit instant , immobile et reprend son envol .  » Je sais maintenant ! « dit mon ami au vent. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, un troisième papillon apparait et se jette immédiatement dans le cœur du brasier , attiré irrésistiblement par les flammes. Alors mon ami se tourne vers la montagne et dit : « merci vous m’avez donné la réponse à la question que je me posais ». Son récit s’arrête là me laissant plus ou moins perplexe sur le sens à donner et la réponse trouvée dans ses montagnes . Doit-on comme le troisième papillon se jeter dans le feu et se bruler les ailes pour connaitre une vérité? Sait-on, de la vie , de l’amour, de la mort la signification qu’au moment ultime?
Que devais-je savoir de sa question initiale et de la réponse apportée par Mère Nature ? C’est à travers la recherche de traductions en français de poètes turcs dont il indiqua les noms que la clé de l’énigme fut résolue. La parabole des 3 paillons fait partie des poèmes et histoires que l’on répète depuis des millénaires dans le cercle des vrais amants comme le dit Attar, un des vieux sages d’ Orient ;
Une nuit les papillons se réunirent pour apprendre la vérité sur la lumière de la bougie.
Et ils décidèrent que l’un d’entre eux devrait aller recueillir des nouvelles de ce rougeoiement qui les intriguait. L’un d’eux s’envola jusqu’à ce qu’il discerne au loin une bougie brûlant à la fenêtre d’un palais. Il ne s’approcha pas et revint dire aux autres ce qu’il croyait savoir. Le chef des papillons écarta son témoignage en disant : « Il ne sait rien de la flamme. »
Un papillon plus passionné que le précédent partit et franchit la porte du palais. Il voleta à la lueur de la bougie ; confus, désireux d’en savoir plus mais craintif et il s’en retourna pour raconter jusqu’où il avait été et tout ce qu’il avait subi et vu ; après son récit, le mentor dit :
« Tu n’as pas les signes de celui qui sait pourquoi la bougie a une telle lueur. »
Un autre papillon s’envola d’un vol vertigineux, se mit à tournoyer ardemment près de la lumière, il s’élança et plongea dans une transe frénétique vers la flamme, son corps et le feu se mélangèrent. Le feu engloutit le bout de ses ailes, son corps et sa tête. Son être s’embrasa d’un rouge violent et translucide. Et lorsque le mentor aperçut ce flamboiement soudain ainsi que la forme du papillon perdue dans les rayons rougeoyants, il dit alors :
« Il sait, Il sait la vérité que nous cherchons,
Cette vérité cachée dont nous ne pouvons rien dire »

Un poète ,Mevlana Djalâl ad-Dîn Rûmî reprend cette image des 3 papillons dans un poème écrit au XIIIeme siècle.
Les personnes  de ce monde sont comme les 3 papillons devant la flamme d’une bougie .
Le premier s’approcha très prés et dit :  » je sais à propos de l’Amour »
Le second frôla délicatement la flamme de ses ailes et dit :  » je sais comment le feu de l’ Amour peut bruler ». Le troisième se jeta dans le cœur de la flamme et consuma .Lui seul sait ce qu’est l’Amour véritable.

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Symbolique du feu , des ailes dont le soufisme et les derviches expriment l’ amour divin. Les ailes coupées, le feu qui ne brule plus mais laisse la place aux cendres dans les périodes de doute , de vide intérieur, de peur , de confusion , de fatigue , ou d’ennui. Des voiles de perception tissés par notre Ego, notre  » moi ». Voiles d’illusion bâtis par le cerveau , ces voiles sont personnalités, concepts, caractères , tempéraments, modèles de fonctionnement , désirs inhérents aux personnes nous entourant de plaire ou au contraire de défier et de se rebeller . Il faut apprendre à se débarrasser de ces voiles obscurs pour retrouver le feu brulant coulant dans les veines pour le Bien aimé , Amour de dieu . Dans l’attente et la recherche nous tournons intérieurement sans cesse comme une toupie( comme le font les derviches dans leur rituel extatique) , nous brûlons intérieurement en fondant comme une bougie consumée par le feu. Rumi y fait référence très souvent .  » La lumière propre du visage vient de la chandelle de l’esprit »
Ne reste que parmi les amoureux, des autres éloigne-toi.
Bien que ta flamme embrase le monde,Le feu meurt par la compagnie des cendres.

Se consumer d’ Amour, Mevlana Rumi et ses 60 000 distiques ( poésie composée d’un groupe de 2 vers) se résumait ainsi :  » J’étais cru, je fus cuit , j’ai brulé » ..Le Khamûch .. Le silencieux tel était son nom de plume.

Feu , soleil et atome reviennent en écho dans les écrits, riches d’enseignement à qui sait s’y plonger comme dans les flammes de la bougie pour en déchirer un voile de perception.

« O jour, lève-toi ! des atomes dansent,
les âmes, éperdues d’extase, dansent :
tous les atomes dans l’air et dans le désert,
sache-le bien sont tels des insensés,
chaque atome, heureux ou misérable,
est épris de ce Soleil dont rien ne peut être dit. »

 » Si tu coupes un atome, tu y trouveras un soleil et des planètes tournant alentour,

et si tu coupes ce soleil, il en résultera un feu capable de réduire la Terre en cendres. »

« Tous les atomes qui se trouvent dans l’air, et dans le désert,
Sache bien qu’ils sont épris comme nous.
Et que chaque atome, heureux ou malheureux,
Est étourdi par Ie Soleil de l’âme inconditionnée. »

« La bien-aimée est devenue pareille au soleil,
L’amoureux, tel un atome, se met à danser.
Lorsque tremblote la brise du printemps d’amour,
Chaque branche qui a quelque feuille se met à danser. »

« Dès l’instant où tu vins dans le monde de l’existence,
Une échelle fut placée devant toi pour te permettre de t’enfuir.
D’abord, tu fus minéral, puis tu devins plante ;
Puis tu devins animal : comment l’ignorerais-tu ?
Puis tu fus fait homme, doué de connaissance, de raison, de foi.
Considère ce corps tiré de la poussière :
quelle perfection il a acquise !
Quand tu auras transcendé la condition de l’homme,
Tu deviendras sans nul doute un ange.
Alors tu en auras fini avec la terre ; ta demeure sera le ciel.
Dépasse même la condition angélique,
Pénètre dans cet océan,
Afin que ta goutte d’eau puisse devenir une mer. »

« Je suis l’Océan tout entier, non pas une goutte !
Je ne suis pas un orgueilleux aux faux regards.
Chaque atome à qui je parle en mon muet langage,
S’exclame sans tarder: « Je ne suis pas un atome! »

Goutte d’eau et océan, atome faisant partie d’un tout , des ailes du papillon à celles des anges , les poèmes persans du silencieux Rumi, d’ Attar ne finissent d’inspirer la plume des poètes orientaux. Et ne dirait-on pas à voir tourner les derviches que leurs longues tenues traditionnelles se déploient telles des ailes? Ange ou papillon , à vous d’en éclairer votre chandelle  et d’y trouver une réponse et dans le doute autour d’un feu de camp interrogez donc Mère Nature ! Le vent ou la montagne la souffleront peut-être…