La différence entre la grossièreté et la vulgarité vue à travers un texte issu du film » Tout le monde il est beau , tout le monde il est gentil » de Jean Yanne , 1972 : La lettre d’ Adieu de Christian Gerber ( Jean Yanne) journaliste à Radio Plus , centre névralgique du thème et de l’action du film .
Plantier, vous êtes un con. Vous me trouvez grossier,
et moi, mon cher ami, je vous trouve vulgaire.
Vous ne comprenez pas ? Je vais vous expliquer :
Dire merde ou mon cul, c’est simplement grossier.
Maintenant voyons donc tout ce qui est vulgaire :
Prendre une voix feutrée et sur un ton larvaire
Vendre avec les slogans au bon con d’auditeur
Les signes du zodiaque ou le courrier du cœur.
Connaissant son effet sur les foules passives
Faire appel à Jésus pour vanter la lessive.
Employer les plus bas et les plus sûrs moyens
Faire des émissions sur les vieux, sur la faim
Le cancer. Enfin, jouer sur les bons sentiments
Afin de mieux fourguer les désodorisants.
Tout cela c’est vulgaire, ça pue, ça intoxique
Mais cela fait partie du jeu radiophonique
Vendre la merde, oui, mais sans dire un gros mot
Tout le monde est gentil, tout le monde il est beau
Mais là, mon cher Plantier, vous ne pouvez comprendre
Et dans un tel combat, je ne puis que me rendre
Alors Plantier, salut, je préfère me taire
Je crains, en continuant, de devenir vulgaire.
Ayant évité in extremis le licenciement, Christian Gerber est mis sur une voie de garage et nommé « superviseur des émissions artistiques ». Après avoir écrit des chansons humoristiques pour sa ligne éditoriale sur Dieu et la religion , il tourne en dérision sa radio ainsi que son directeur Plantier( Jacques François) il finalement licencié. Réintégré parle président de la station radio ( Bernard Blier), il multiplie les provocations et dévoile les « magouilles » , reportages bidons, connivences et procédés malhonnêtes en direct , faisant exploser l’audimat. Le patronat et les syndicats réagissent à cette popularité faite à leur détriment .
Le projet de film ne trouvait pas de producteur . Jean Yanne et Jean Pierre Rassam créent la société de production Cinéquanon pour le faire . Bien leur en a pris car cette comédie satirique fut un succès. Jean Yanne et son co-scénariste Gérard Sire ont fait rire ou grincer des dents avec ce tableau visionnaire du devenir de la radiophonie en France, main mise par les sponsors. Une des phrases cultes de ce film : » Le monde est peuplé d’imbéciles qui se battent contre des demeurés pour sauvegarder une société absurde ».
Toujours actuel que ce thème de la grossièreté et de la vulgarité. Entre les noms d’oiseau ou d’autres animaux dont on affuble certaines personnalités, les coups de poings ou les boites à gifles ouvertes en public , les foires d’empoignes et les mêlées dans les hémicycles transformés en ring de boxe, les allusions perfides twittées, notre société « moderne » n’a rien à envier à tout ce que ce fantastique Mr Charlie Chaplin a si adroitement dénoncé bien avant . Les politiciens méritent une couronne de laurier quand ils font du raffut et font ensuite sauter les bouchons de champagne pour célébrer les tampons distribués contre des amendements déposés.
Tout un art que de savoir dépasser les bornes en restant du bon coté de la ligne de démarcation de la bienséance. Etonnant qu’il n’y ait pas encore comme discipline sportive aux Jeux Olympiques le slalom spécial de la convenance sociale. Les équipes à monter sur le podium et qui n’en sont pas à leur premier coup d’essai (transformé sans pénalité) sont :
Les financiers, les banquiers, les escrocs, les voleurs, les patrons, les souteneurs, les maquereaux, les violeurs, les pilleurs, publicistes, journalistes en couple marital paritaires avec les politiques, les dealers du show biz, pornographes bonne conscience, les faiseurs de ragot, les pros de Monsanto.
Biscotte et carton (jaune ou rouge) pour les grossiers vulgaires, les petits employeurs qui jouent les gros bras borderline, les inconvenants sociaux : du code du travail, ils en ont fait leur bible, jouant sur les passages encore énigmatiques à certains néophytes pour trouver l’argument irréfutable, dans la convention du monde du travail pour expulser un joueur, le mettre sur la touche . Du banc des accusés , il ira au frigo. Trop vieux, trop cher , trop con ( oh , un gros mot est lâché, désolée, les prudes hommes ou les femmes choquées par ce vocabulaire). Concupiscence de certains , qui font miroiter de fausses promesses de reconversion. Miroir aux alouettes pour sembler respecter le droit des salariés .
Oui, le droit. Celui de se taire, celui de se la boucler ou de faire la tortue. Rentrer ses cannes et sa tête , devenir caillou à écailles et rouler en bas de la pente , tout schuss. Chaque porte ratée est une pénalité, des agios à la banque dés le premier découvert.
Il n’y a pas que le fond de l’air à être frais. Ceux-ci vont décorer la colonne débit à chaque intervention que fait la commission.
» Faire sa commission , c’est quoi ? » dira l’assuré social conventionné, convaincu de ses droits d’informations transparentes et loyales . » c’est satisfaire vos petits besoins quotidiens » constatera l’ éducateur en santé, délégué à cette tâche. » Dégorger le poireau et quand ça ne sent pas la rose, pour un axe profond, vous savez l’axe hâtif, le statut n’est plus d’ors et déjà de bronze , quand l’argent ne coule plus à flot. Alors eau de cuisson de riz ou de carotte pour colmater les brèches d’une défense défaillante, si vous perdez aussi votre immunité , vous ne mouillerez pas seulement le maillot. » D’une diarrhée verbale, alors , le spécialiste condescendant de la dialectique vous prescrit un bouchon , une pilule du bonheur qui vous expédiera la tête dans les nuages . Visage pâle au nez bouché, zombie transformé, jeté du système hors de l’échiquier, c’est le grand pari au lit qu’il faudra prendre pour espérer quitter la dépression météo, la tempête dans le verre d’eau qu’on vous tend gracieusement pour vous faire avaler l’anxiolytique . Ah l’eau , robinet ou bouteille , quel qu’en soit la source, on vous fera gober ainsi votre traitement. Je sais qui , je sais quoi , surtout pas le pourquoi il faut savoir se taire. Je crains, à ce stade, de devenir vulgaire. Le syndrome de Tourette, merci Gilles enfin diagnostiqué, merci Brigitte Fontaine de soulager notre soif d’inconvenance à l’eau de ton répertoire. Allo , allo tout le monde est gentil, tout le monde il est beau .
février 8, 2014
Catégories : société . Étiquettes : Humour, Jean Yanne, Politique, Radio, société, Vulgarité . Auteur : pascalelafraise . Comments: Laisser un commentaire